Le 20 février 2025, l’Assemblée nationale a voté, en première lecture, l’instauration d’un impôt plancher sur le patrimoine des plus grandes fortunes. Baptisée "taxe Zucman", cette mesure s’inspire des travaux de l’économiste Gabriel Zucman et vise les contribuables disposant de plus de 100 millions d’euros de patrimoine brut. Environ 1 800 foyers fiscaux sont concernés en France.
Ce texte, porté par le Nouveau Front populaire et soutenu par des députés écologistes, a pour objectif d’instaurer davantage d’équité fiscale. Le rendement potentiel est estimé entre 15 et 25 milliards d’euros par an, avec une assiette couvrant l’ensemble du patrimoine brut : immobilier, actions, liquidités, comptes bancaires, œuvres d’art, etc.
Contrairement à l’impôt sur le revenu ou à l’IFI, la taxe Zucman ne repose pas sur les revenus ou les plus-values, mais sur le stock de patrimoine détenu. Elle marque un tournant dans la doctrine fiscale française en imposant une base large, indépendante du rendement réel des actifs.
Par exemple, un contribuable détenant 150 millions d’euros de patrimoine se verrait appliquer une taxation de 3 millions d’euros par an, indépendamment de ses revenus effectifs. Cette logique soulève des interrogations sur la soutenabilité de la charge fiscale pour certains profils patrimoniaux, notamment les détenteurs d’actifs peu liquides.
Malgré son adoption à l’Assemblée, la taxe Zucman doit encore franchir plusieurs étapes critiques :
Dans l’immédiat, l’incertitude prédomine, mais les professionnels du patrimoine doivent anticiper l’impact potentiel de cette réforme sur leurs stratégies.
Si elle était adoptée, la taxe Zucman pourrait provoquer des changements majeurs dans les logiques d’allocation, de transmission et de structuration du patrimoine.
Certains actifs pourraient être désavantagés par une taxation annuelle fondée sur leur valeur brute, en particulier ceux dont la valorisation est élevée mais la liquidité faible (ex : immobilier de rendement, œuvres d’art, terrains non exploités).
A contrario, des actifs plus facilement transférables ou localisables hors de France – comme les actions cotées, les obligations internationales ou les investissements alternatifs – pourraient être davantage privilégiés. Ce glissement nécessiterait une réévaluation des profils de risque et des objectifs de rendement.
Dans un contexte d’anticipation fiscale, les stratégies de transmission pourraient gagner en importance. Les donations, démembrements ou pactes Dutreil pourraient redevenir des leviers majeurs de réduction de l’assiette taxable, dans le cadre du droit existant.
Selon les chiffres de l’INSEE, les montants transmis en 2024 via donation ont dépassé les 150 milliards d’euros. Si la taxe Zucman est perçue comme durable, cette tendance pourrait s’intensifier en 2025.
Une taxation sur le patrimoine brut suppose une évaluation rigoureuse et documentée des actifs. Les CGP devront s’assurer que les méthodes de valorisation appliquées soient à la fois cohérentes, actualisées et justifiables en cas de contrôle. Cela concerne notamment les parts de sociétés, les biens immobiliers non cotés, les œuvres d’art ou les actifs atypiques.
Le texte prévoit un dispositif anti-exil fiscal inédit : les contribuables concernés resteraient imposables en France pendant cinq ans après leur départ. Cette mesure vise à freiner les stratégies d’évitement basées sur le changement de résidence fiscale.
Sa mise en œuvre soulève toutefois plusieurs questions, notamment en matière de coopération internationale et de capacité de l’administration à faire appliquer cette règle. Les CGP accompagnant une clientèle à forte mobilité devront évaluer les implications de ces dispositions, tant en termes de coût fiscal que de faisabilité.
La taxe Zucman ne constitue pas une initiative isolée. Elle s’inscrit dans un mouvement plus large visant à instaurer une fiscalité minimale mondiale sur les grandes fortunes. L’OCDE, le G20 et plusieurs gouvernements occidentaux débattent depuis plusieurs années de dispositifs similaires, dans un contexte de lutte contre l’évasion fiscale et les inégalités.
Dans ce contexte, la France pourrait jouer un rôle de laboratoire fiscal. Si la mesure entre en vigueur, elle pourrait servir de modèle – ou de contre-exemple – à d’autres pays européens. Les CGP seront donc amenés à intégrer ces évolutions dans leur approche, en adoptant une vision plus globale des stratégies patrimoniales.
Même si la taxe Zucman n’est pas encore définitivement adoptée, elle traduit une évolution profonde de la logique fiscale française. Elle constitue un signal fort, que les professionnels du patrimoine doivent prendre en compte dans leurs analyses.
Les principaux points d’attention sont les suivants :
Dans un environnement en mutation, les CGP ont plus que jamais un rôle d’éclaireur. Leur capacité à décrypter les évolutions fiscales, à anticiper les ajustements réglementaires et à proposer des stratégies personnalisées fera la différence dans l’accompagnement des grandes fortunes.
Les contribuables avec un patrimoine supérieur à 100 millions d’euros, soit environ 1 800 personnes en France.
Elle pourrait rapporter jusqu’à 25 milliards d’euros par an, mais aussi provoquer un exil fiscal si les recours échouent.
En proposant des stratégies de diversification internationale ou des donations anticipées pour réduire l’impact fiscal.